Analyse du conte

     Avant d’opérer une étude des différences et similitudes entre Perrault et Grimm, il convient de mettre en évidence la manière dont le sujet a été traité dans la version orale. 

     Quatre personnages sont présents dans l’histoire, la fillette et le loup tiennent les rôles principaux. La mère et la grand-mère, quant à elles, restent dans l’ombre, elles ne sont que le cadre du récit. Lors de leur rencontre, le loup propose à la fillette le choix du sentier entre celui de l’aiguille et de l’épingle, tout deux vont ensuite dans leur direction. La fillette s’attarde à ramasser des aiguilles pendant que le loup s’empresse d’arriver le premier chez la grand-mère qu’il tue sans en manger la chair, cette dernière est alors disposée à l’enfant. Le loup détient donc le rôle du boucher et l’enfant du consommateur.



     C’est alors que l’attitude de la fillette s’avère plus complexe. Malgré les avertissements de la chatte, l’enfant persiste à manger la chaire et boire le sang. Son comportement ne laisse paraitre aucune crainte à l’égard de son geste. De plus elle se prête volontiers au jeu du déshabillage qui n’a pas l’air de la déranger plus que ca. Elle ne décèle aucun sentiment de méfiance ou de peur a l’égard du loup car son intelligence prend le dessus par rapport aux capacités intellectuelles de l’animal (action de la fin dans la version orale).


     Des changements nettement visibles vont apparaitre dans les contes de Perrault et Grimm.
Tout d’abord la fillette change totalement de comportement, elle n’est plus décrite comme intelligente et maligne mais comme une enfant naïve et superficielle : « Il était une fois une petite fille, la plus jolie qu’on eût su voir » dit Perrault. « Une adorable petite fille que tout le monde aimait rien qu’à la voir » ajoutent les frères Grimm. La version de Grimm accentue cet excès de crédulité.


     En effet dans le conte de Perrault la naïveté du petit chaperon rouge prend le dessus contrairement à la fillette décrit dans le conte orale : « la pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter à écouter un Loup ». Ainsi, cette dernière donne toutes les informations au Loup pour se rendre chez la grand-mère sans aucune méfiance « elle ne savait pas que c’était une si méchante bête et elle n’avait pas peur. »
Dans le conte de Perrault, la fillette est alors incapable de gérer la situation et se fait dévorer par le loup. Perrault détourne donc l’image de la femme qui nous était montré dans la version orale, son récit s’achève sur ces mots : « On voit ici que de jeunes gens, surtout de jeunes filles, belles, bien faites et gentilles, font très mal d’écouter toutes sortes de gens, et que ce n’est pas chose étrange, s’il en est tant que le loup mange ».


     Dans la version orale l’image du Loup n’apparaissait ni comme bonne ni comme mauvaise. Cependant Perrault et Grimm nous véhiculent l’image d’un animal cruel, calculateur, impitoyable.
Chez Perrault « le loup, qui eut bien envie de la manger ; mais il n’osa, à cause de quelques Bûcherons qui étaient dans la forêt. » Il propose donc implicitement au petit chaperon rouge de prendre le chemin le plus long par la ruse.
Cette ruse s’accroit dans la version des frères Grimm, la fillette est incitée par l’animal à s’attarder sur son chemin «toutes ces jolies fleurs dans le sous-bois, comment se fait-il que tu ne les regardes même pas?»
     Une cruauté sans limite est présente, il n’hésite pas à dévorer la grand-mère, cet élément nous montre ainsi une fragilité que l’on retrouve chez l’être humain face à la férocité du Loup. Les frères Grimm accentuent encore plus cette idée.

     On retrouve dans la scène du déshabillage quelques connotations sexuelles, en effet chez Perrault cette scène ne subsiste qu’une seule phrase : «Le Petit Chaperon Rouge se déshabille et va se mettre dans le lit où elle fut bien étonnée de voir comment sa Mère-grand était faite dans son déshabillé». Par ailleurs cette phrase disparait totalement dans le conte des frères Grimm elle est ainsi réduite à sa plus simple expression, le fait qu’il s’agisse d’un animal et d’une fillette ce qui à du jouer un rôle dans l’évolution qu’a suivit cet épisode.
     Lors des fameuses questions- réponses entre le Loup et le petit chaperon rouge on relève encore une certaine ambiguïté dans le comportement de la fillette. Ses observations porte à croire qu’elle n’ignore pas la présence du loup : « Ma mère-grand, que vous avez de grands bras », « Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes ». Une fois de plus cette ambiguïté est levée dans le conte de Grimm car l’enfant aperçoit qu’un bout de visage du loup et ses mains dépassent de la couverture.


     Toutes ces modifications relevées entre la version orale, le conte de Perrault et Grimm introduisent des dénouements différents. Les capacités intellectuelles du petit chaperon rouge triomphent dans la version orale alors que Perrault s’achève sur la mort du petit Chaperon rouge dévoré par le loup. La morale de l’histoire a donc pour but de responsabiliser la femme et les jeunes filles. Il donne ainsi raison au loup afin de faire passer un message de prévention et de méfiance.


     Quant à eux, les frères Grimm ne voient pas les choses de la même façon, selon leur point de vue quelque soit la faute humaine -entre autres la naïveté et l'insouciance des petites filles- il est normal de tuer et de maltraiter les animaux. Dans le conte des frères Grimm, le chasseur intervient une fois que loup s’est endormit, il représente le geste libérateur du récit ainsi que la force masculine auprès des femmes.

     Ainsi ce conte a connut de nombreuses évolutions au cours du temps, en ayant examiné les similitudes et les différences entre ces diverses versions, on retrouve donc des thèmes ayant trait à la sexualité, à la violence et notamment à la discrimination envers les femmes mais aussi envers les animaux.
De plus ces contes ont été de nombreuses fois analysés par plusieurs grands psychanalystes dont Bruno Bettelheim dans La psychanalyse des contes de fées. L’intérêt porté à cette histoire montre donc son éloquence de par tous les sujets traités, et joue aussi de sa popularité à travers les époques.